"Un book de graphiste en ligne avec des galeries ? Mais c'est totalement has-been, mon pauvre ami... Fais plutôt un blog !"

Guerre cognitive - casque militaire fusionné avec un cerveau avec l'arrière-plan qui montre un réseau

Guerre cognitive : organiser la résistance

guerre cognitive

Ou : "Pourquoi j'ai coupé les robinets informationnels."

Navigation rapide :

Il ne s'agit pas de ne plus s'informer, mais de s'informer de manière consciente, pour ne plus se laisser saturer de non-informations qui attaquent notre santé mentale.

NOTE : Cet article s'incrit dans un cycle de réflexion sur le "polysystème" formé par les sociétés humaines. L'objectif est de sortir des visions en silo pour permettre de se faire une idée du tableau dans son ensemble. Les liens qui se tissent entre les arts, les sciences, la politique, la philosophie, la sociologie et bien d'autres domaines conçus par l'esprit humain, sont trop rarement mis en évidence. Pourtant, c'est bien en tenant compte non pas de la somme de tous ces champs, mais bien en considérant surtout les effets de leurs multiples interactions, qu'on peut prendre la mesure de "ce qui est en train de se passer".

Sans ça, c'est s'attarder à vouloir mettre un pansement sur une écorchure au genou, alors que c'est toute la jambe qui est coupée et détachée du corps...

Objectif principal : proposer un nouveau prisme de lecture du monde, certes subjectif, mais qui se veut également accessible et engageant... même si avec la métaphore à deux balles ci-dessus, c'est pas gagné d'avance :)

Temps de lecture : Une page de pub.

"Cet article est sponsorisé par votre temps de vie."

Niveau d'énervement : Polémique stérile/20.

Thèmes abordés : surinformation, biais cognitifs, culture et narratif commun, mon cul sur la commode.

Niveau de subjectivité : TOTAL.

Avant-propos (oui, je sais...) :

Dans la note introductive, je parle volontairement des "champs de la création humaine" car tout ce sur quoi repose notre "réalité" actuelle a d'abord germé dans l'esprit de quelqu'un.

Soyons clair : des idées, on en a tous. Mais il n'y a pas de bonnes ou mauvaises idées : il y a juste de bonnes ou de mauvaises façons de les concrétiser.

Ou la variante pour les artistes :

"Il n'y a pas de bonne ou mauvaise histoire, mais juste de bonnes ou mauvaises façons de raconter."

En revanche, une chose est sûre : il ne me paraît pas envisageable de s'engager dans un processus créatif sans remettre en question, au moins de temps à autre, ce que l'on est en train de faire.
Évidemment, quand des intérêts financiers entrent en jeu, cette prise de recul devient moins évidente, et à la question "Pourquoi tu fais ça ?", la réponse sera fatalement : "Parce qu'il faut bien payer les factures mon ami !".

Il n'empèche, aussi douloureux que cela soit, il est vital d'essayer de prendre du recul et de s'interroger sur le sens de nos actions.

J'ai conscience que dans la position où je me trouve, je ne fais que prêcher des converti(e)s, et que je "pisse dans un violon numérique". Premier problème, en effet : Quel est le pourcentage de la population française qui lit encore ? Et surtout, pour lire des articles théoriques peu passionnants au premier abord...

...Vous, manifestement ;)

Mais allez, on peut se le dire : on est en famille, on se connaît vous et moi.

C'est aussi ça la magie de la lecture :

Quand tu lis un texte, ce n'est pas la voix de l'auteur que tu entends, c'est la tienne.

La magie de la lecture

Bref, je suis comme vous, je mène ma petite vie. Un gars simple, mais qui se pose quand même des questions. C'est important de se poser des questions. Des fois. Un peu.

Nous sommes nombreuses et nombreux à prendre conscience que nous vivons désormais un état de guerre permanent :

Guerres physiques, dans lesquelles des nations sont prises en otages par des gouvernements fous.

Une guerre technologique.

Une guerre civilisationnelle.

Une guerre contre le monde vivant et contre nous-mêmes.

...

Mais il y a une guerre qui ravage encore plus que toutes les autres réunies.

La guerre cognitive.

Quand on cherche la définition de ce terme, on trouve des approches encore trop différentes pour pouvoir se contenter d'un simple copier/coller. C'est pourquoi je propose la définition simplifiée suivante :

La guerre cognitive désigne l'ensemble des procédés et phénomènes émergeant dans des contextes où la fragilité des individus est propice aux manipulations et à l'adhésion aux propagandes. La guerre cognitive s'appuie notamment sur les influences sociales, culturelles et médiatiques.

Si le concept vous paraît nébuleux, à la limite du délire conspirationniste, détrompez-vous. Le sujet est étudié avec le plus grand sérieux par notre Ministère des Armées :

https://www.terre.defense.gouv.fr/cdec/nos-publications/recherche-conflits/notes-recherche-sciences-technologies/guerre-cognitive

"La guerre cognitive fait maintenant partie intégrante de la conduite de la guerre. Cependant la façon dont elle est employée ne prend pas en compte les procédés cognitifs qui entrent en jeu dans nos interactions avec l’information. L’absence de définition claire, le manque de considération des procédés cognitifs et l’efficacité inégale selon les domaines d’application rendent son utilité relativement insignifiante."

"Relativement insignifiante". Bravo au Ministrère des Armées pour son sens de l'humour sans égal.
Mais puisqu'elle est entrevue uniquement d'un point de vue utilitariste, dans le cadre militaire, cette approche est donc biaisée.

Du côté de l'Agence Nationale de la Recherche, ça donne ça :

https://anr.fr/Projet-ANR-22-ASGC-0001

"Le concept de guerre cognitive est issu de la convergence des travaux portant d’une part sur les caractéristiques, limites et fragilités des individus, et d’autre part sur les influences sociales, culturelles et leurs manipulations à des fins de guerre.

Il s’ancre à la fois dans une réflexion historique sur l’évolution des doctrines de désinformation et de manipulation issues de la guerre froide et celles nées des deux dernières décennies d’affrontements contre-insurrectionnels et hybrides ainsi que dans les travaux portant sur la militarisation des neurosciences. "

On y arrive déjà un peu plus, mais le problème, c'est que le terme de "guerre cognitive" est encore trop mal défini, et recouvre différentes réalités en fonction du contexte où il est utilisé.
Néanmoins, une chose est sûre :

Le cerveau humain ne peut correctement traiter simultanément qu'un nombre très limité d'informations.

Quand on s'imagine être "multi-tâches", qualité que l'on attribue souvent de manière très réductrice aux femmes, "capables de faire plusieurs choses en même temps" et de "gérer la charge mentale" (ramenée là encore de manière réductrice aux tâches du quotidien et à l'intendance du foyer), on se trompe complètement.

En réalité, notre cerveau fait sans cesse des allers-retours entre les différentes actions que nous sommes en train d'effectuer, et de manière tellement rapide que nous avons l'illusion que tout se fait en simultané.

https://www.cortex-mag.net/neuromythe-11-le-cerveau-multitache/

Entre les signaux que notre corps nous envoie par nos 5 sens, et tout ce que nous ingurgitons de sons et d'images à longueur de journée, notre esprit peine à faire le ménage.

Les nuits de sommeil deviennent agitées.

Sur les plateaux TV, sur les chaines Youtube ou les comptes TikTok à forte audience, ni ailleurs sur les réseaux sociaux, dont le format impose souvent une réduction de la pensée à quelques centaines de caractères (merci "X" / Twitter)... vous ne trouverez que très peu mise en avant la question du droit à la déconnexion, de l'importance de ralentir et de la nécessité de s'extraire du flux continu d'informations.

Pourtant, notre esprit n'est pas fait pour être en permanence sollicité comme il l'est actuellement : Smartphones connectés dans la main 24h/24h. Collés à des écrans. Et quand on lève le nez, ce sont les panneaux publicitaires qui prennent le relais.

C'est tout bonnement infernal.

Des smartphones avec une lueur maléfique rouge et des cerveaux captifs

"Direct, ça m'a trigger."

C'est le visionnage de l'émission "Le monde de Loison" sur France Info TV le 24/04/2024 qui a déclenché la rédaction de cet article. Ce "plateau-débat" faisait suite aux déclarations de Gabriel Attal qui "mise sur l’intelligence artificielle pour « simplifier » les démarches administratives".

https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/04/23/gabriel-attal-mise-sur-l-intelligence-artificielle-pour-simplifier-les-demarches-administratives_6229417_823448.html

"Le premier ministre a souhaité mercredi mettre une intelligence artificielle développée en France « au service » des usagers et des fonctionnaires. Jusqu’à trois cents nouvelles maisons France Services seront créées d’ici à 2026."

Deux choses m'ont particulièrement agacé :

1/ Le choix d'animer un plateau TV, donc avec une limite de temps de parole, autour d'un sujet d'une telle importance, et ainsi participer à la petite musique qui consiste à tous nous entrainer dans la pire dystopie, où le numérisation de nos vie les réduit à des données statistiques, dans un impératif de rentabilité immédiate.

2/ Le niveau abyssal de la plupart des intervenants m'a également frappé. Il y avait bien Laurence DEVILLERS, chercheuse en IA au CNRS, pour proposer une approche un minimum critique (ex. : problème de l'opacité des modèles et datas utilisés, confiance dans les sources utilisées qui sont généralement américaines... non-neutralité des outils, biais, etc...).

À ses côtés, en revanche, Jean-Paul CHAPEL, "Éditorialiste économique" (rien que ce intitulé de fonction... "Éditorialiste économique" ! Une profession indispensable à notre survie collective, j'imagine ?) incarnait le rôle du modéré déjà convaincu que bourrer de "l'IA" partout ne poserait relativement aucun problème et était plus que souhaitable, tant que "c'est pour la bonne cause".

Je vais me garder d'aller plus loin sur le sujet de "l'IA", déjà abordé par ailleurs dans l'article "Les IA vont-elles vraiment mettre les artistes au chômage ? ", pour recentrer sur le problème des informations.

Les IA vont-elles vraiment mettre les artistes au chômage ?

L'information neutre n'existe pas.

C'est tellement évident qu'on n'y pense même plus, mais les informations qui sont proposées par les médias d'informations sont, justement, "proposées". C'est-à-dire qu'à un moment donné, il y a bien des journalistes qui ont choisi de s'intéresser et de relayer tel ou tel sujet plutôt qu'un autre.
Ensuite, c'est la rédaction qui, en fonction de sa ligne éditoriale, va retenir de traiter et diffuser une information plutôt qu'une autre.

C'est pour cela que, par exemple :

Quand vous regardiez LCI entre mi-2022 et fin 2023, le narratif dominant était celui de l'état de guerre permanent, avec la guerre en Ukraine H24.

Quand vous regardez CNews, vous êtes plongés dans ce "sentiment d'insécurité" alimenté sans cesse par des faits divers, comme il s'en est toujours produit et comme il s'en produira toujours autant (la nature humaine est ainsi faite).

Quand vous regardez BFM, les lignes sont brouillées, mais tous les sujets font immanquablement monter en vous de la colère et de l'indignation. Et c'est bien le but recherché.

Quand vous regardez France Infos, vous imaginez recevoir une information neutre. Etc...

Capture écran LCI guerre en Ukraine

Nous aimons le goût du sang, mais "nous sommes pour la paix".

Parce que c'est ça aussi.

un moment donné, les médias nous servent ce que nous plébiscitons :

C'est flippant, la télé, quand même. Moi j'ai pas la télé, parce que je sais que c'est de la drogue dure. La télé, tu l'as, tu la regardes. C'est obligatoire. Moi ça me fascine, de voir que le succès des émissions de merde tient juste grâce à des gens qui disent : « Ouais, heu, nan mais moi je regarde, mais c'est juste pour voir la nullité du truc. »

Non mais vous êtes beaucoup à faire ça, là ? Moi j'aimerais bien savoir combien ils sont, les gens qui regardent la télé avec du recul. Y a fort à parier qu'ils sont beaucoup. C'est dingue : on crée des émissions de merde, pour que des gens les regardent tout en se révoltant que de telles merdes existent. Alors je veux bien que la vie n'ait pas de sens, mais y a des limites, quand même. (…) La merde t'intéresse, en fait ? T'es merdologue, peut-être ? Quand tu vas au restau, tu commandes ce qu'il y a de plus dégueulasse ? (…)

C'est fou, cette arnaque qu'on est capable de se faire au cerveau, pour regarder la télé.
(…)

Blanche Gardin - Spectacle "Je parle toute seule" (2017)

Mais bon, faut pas juger.

Regardez de la daube à la TV

Ceci dit, le constat est là : pour qu'un gars comme moi, qui n'est ni vraiment vif, ni vraiment une lumière... Pour un gars qui a du mal a retenir les noms, les visages, et qui galère a faire un calcul mental de niveau école primaire... Bref, quand une personne aussi atteinte mentalement que moi en arrive à trouver que le niveau intellectuel général est dangereusement en baisse, quelque chose ne va plus.

Curiosité naturelle et clickbaits.

Cette salle d'un célèbre musée n'a plus été ouverte au public depuis 1926. Quand vous la verrez, vous comprendrez pourquoi ! Voir la vidéo

L'être humain est curieux par nature. Notre cerveau a évolué de manière à ce que la découverte de nouvelles choses nous stimule et nous procure du plaisir.

C'est en s'appuyant en partie sur cette curiosité que le marketing va par exemple réussir à nous refourguer une nouvelle camelote, sur la promesse qu'elle recèle quelque chose d'inédit et de nouveau, alors qu'en réalité, c'est la reprise d'une idée pré-existante qui juste été relookée et présentée différemment.

Les clickbaits fonctionnent aussi en venant titiller notre cerveau, en nous faisant la promesse de nous délivrer du savoir et de la connaissance nouvelle, et généralement en jouant sur le sensationnel et l'extraordinaire.

D'ailleurs, respect aux créateurs de contenus "pièges à clics" pour utiliser la technique consistant à créer du mystère par soustraction (merci Alt236 !), qui va provoquer cette petite étincelle dans l'imaginaire et retenir notre attention.

Le même principe est à l'oeuvre face aux publications qui nous mettent au défi :

Êtes-vous potentiellement manipulable ? Saurez-vous éviter tous les pièges ? 9 personnes sur 10 ont été très étonnées par les résultats de ce test !

Et vous savez quoi ? J'ai presque de l'affection pour les personnes qui se laissent encore embarquer dans ces conneries, parce que ça veut dire qu'au moins, elles savent lire, et qu'elles ont encore peu de matière grise qui s'active dans leurs caboches.

"OSEF. C'est des trucs d'intello."

Question : le mot "intellectuel" n'aurait-il pas toujours été une insulte ? Ce mot renvoie trop facilement l'image d'un vieux prof' en pull à col roulé qui fume la pipe, ou à cette femme entre deux âges, foulard hermès autour du cou, en train de déclamer de la poésie.

Du coup, "ça donne pas trop envie".

Et aujourd'hui, avoir le goût du beau mot, c'est plus ou moins être "une grosse tarlouze".

L'injonction semble désormais d'être un gros beauf qui picole et qui fait des délits de fuite, parce qu'il s'est déjà fait sucrer son permis pour conduite en état d'ivresse, et qu'il roule sans assurance depuis six mois.

Idem pour les modèles proposés pour les femmes, avec gros booty, sur-maquillage et faux-cils en option. Ni putes, ni soumises, mais un peu quand même. Posez-vous des questions des fois les copines (dit-il du haut de ses privilèges de mâle blanc cisgenre).

Peinture montrant un homme lisant une revue coquine

Le rapport avec le titre de l'article SVP ?

Oui, j'y viens.

Donc, souvenez-vous, ce plateau TV de France Infos qui m'a un peu chauffé. Faut que vous compreniez : je fais partie de ces personnes franchement dérangées qui ont choisi d'éteindre la télévision depuis des décennies. Pas le temps.

Je l'ai rallumée, parfois, mais j'ai vécu aussi plusieurs années consécutives en la coupant totalement.

Je m'informe actuellement plusieurs fois par semaine, par de multiples sources croisées.

Il m'arrive par ailleurs, depuis quelques années maintenant, de m'imposer un petit tour d'horizon de la merde télévisée que bouffe encore trop volontier nombre de françaises et français.
Et n'imaginez pas y échapper avec Internet (en fait c'est pire). Vous connaissez sans doute les bulles de filtres, n'est-ce pas ?

Côté smartphone, je possède un truc de seconde main tellement antique qu'il ne permet quasiment que... de téléphoner ! Il est couplé à un pauvre forfait de données bloqué à 100 Mo/mois, une offre qui n'est même plus commercialisée, mais dont l'opérateur est obligé de maintenir le contrat. C'est pas beau ça ?

Ce qui est bien quand on décide de n'ouvrir le robinet à caca que tous les 3 ou 4 mois, c'est que ça donne le recul nécessaire pour percevoir les étapes successives de dégradation du niveau général.

Il y a 10 ans, quand j'allumais la TV, j'avais déjà l'impression d'être dans le futur prédit par le film "Idiocracy".

Il y a 5 ans, quand j'allumais la TV, j'avais l'impression d'être dans le futur montré par les fausses pubs du film "Robocop".

Aujourd'hui, quand j'allume la TV, je réalise que je suis dans un mauvaix remix de toutes les pires fictions dystopiques.

Et je crois que nous venons de soulever ici un point important.

Ces films n’étaient pas censés devenir des modes d’emploi sur lesquels bâtir nos sociétés...

Des imaginaires bordel !

J'ai le tort de croire que lorsqu'on a été mis en contact avec certaines oeuvres, dont les univers sont tellement fous et les messages sont tellement puissants, on n'en ressort pas indemne.
Ça laisse une marque en nous, et d'une certaine façon, ça nous change.

Je n'arrive par exemple pas à comprendre que quelqu'un qui a vu l'animé "Princesse Monoké" ne soit pas devenu au moins un peu écolo', et moins binaire dans sa façon de penser.

Ou encore que quelqu'un qui a regardé les premières saisons de la série "Black Mirror" ne soit pas un minimum inquiété par la numérisation de nos vies.

LA CULTURE, ÇA FAIT (presque) TOUTE LA DIFFÉRENCE.

Plus que la culture liée à des origines ethniques ou géographiques, trop souvent source de clivages et d'incompréhensions, je pense que la culture artisitique, elle, trenscende toutes les barrières qui nous séparent.

Par exemple, pour peu que vous puissiez l'entendre, peut importe d'où venez : une musique rythmée vous donnera envie de bouger, une musique lente et profonde vous fera ressentir une certaine mélancolie, vous calmera, ou au contraire vous agitera, etc... Au pire, vos oreilles vont à minima vous indiquer qu'ils se passe un truc.

Vidéos, films, séries, pubs, informations, reportages, documentaires... Nous consommons tous des produits culturels à longueur de journée. Ces produits culturels ont une influence sur nous.

Attention, je précise : ils ont une influence "relative". Une oeuvre culturelle peut vous inspirez, mais pas au point d'aller tuer votre voisin. Je pense notamment ici à celles et ceux qui pointent du doigt les jeux vidéos quand il y a un "school shooting" ou un massacre de masse par un type qui a pété un câble un beau matin.

Les mêmes personnes qui pointent du doigt les animés japonais, les jeux de rôles... des boucs émissaires faciles à désigner, quand il est plus difficile d'admettre que les racines du mal se trouvent en fait ailleurs.

La faute à une vision du monde en silos, où on ne voit que ce que l'on veut voir, le reste passant en dehors du champ de vision, protégé par de grosses oeillères mentales. Parce que c'est tellement plus confortable de traverser la vie ainsi.

L'exemple "Fantomas".

Étant un mec rusé, je profite de cet article pour glisser une petite analyse cinématographique et socio-culturelle à deux balles. Et ça tombe bien en plus, car au moment où je vomis ces mots (mai 2024), Netflix vient de rentrer dans son catalogue les 3 films "Fantomas".

"Fantomas", c'est une série de films français des années 60, qui est un genre de James Bond avec une bonne dose d'humour absurde et cartoonesque à la française.

Pour l'époque, ce cocktail était assez inédit, et les films "Fantomas" avaient de vraies ambitions : variété et ampleur de certains décors, effets visuels et trucages... Le tout sur un rythme effréné où les situations s'enchainent, soutenues par une brochette d'acteurs qui étaient les poids lourds d'alors, à commencer par Jean Marais et Louis de Funès.

Fantomas

Désavoués par Marcel Allain, un des derniers auteurs des romans originels encore en vie au moment de leur sortie, les films "Fantomas" restent cependant myhiques pour plusieurs raisons :

1/ C'était parmi les premiers films français à lancer une franchise façon gros blockbuster.

2/ C'était du divertissement populaire familial, mais avec parfois une pointe de satire et de critique.

3/ Ça touchait tout le monde.

Et c'est sur ce troisième point qu'il faut insister.

Pour plusieurs générations de françaises et français, toutes origines confondues, les films "Fantomas" sont un morceau de culture partagée par toutes et tous.

Après une trentaine d'années au cours desquelles la télévision, alors limitée à seulement 6 chaînes, était quasiment le seul média par lequel les français avaient accès à des films, les "Fantomas" ont été rediffusés et vus un paquet de fois !

Du coup, c'est idiot, mais comme il n'y avait que ça... Ben tout le monde regardait "Fantomas", tout le monde connaissait. Que ce soit les mimiques de Louis de Funès ou le ricanement hyper théâtral de Jean Marais déclamant un "C'est moi... Fantomas !" en retirant son masque, c'était des codes identifiables par le plus grand nombre. C'était un peu les "memes" de l'époque si vous préférez.

C'était devenu un phénomène culturel national, qui agissait comme un liant dans la société. C'était une référence commune. Un terrain humoristique sur lequel pouvaient se retrouver l'ouvrier de chantier, le cadre supérieur, la ménagère, le vieux papy, les gamins... Un rire et un humour pour toutes et pour tous.

"Les Inconnus" ont eu le même genre d'impact dans les années 80/90.

Des trucs qui traversent au moins 3 ou 4 générations.

Mais que reste-t-il aujourd'hui ?

Rien qu'une grosse carence en leaders charismatiques, de celles et ceux capables d'engager tout le monde sur un autre chemin. Une espèce en voie d'extinction, cannibalisée par les polémistes, les stars du web, et autres éditorialistes, qui vendront leur cul à la première opportunité qui se présente pour acheter leur place au soleil.

Peut-être reste-t-il bien quelques unes et quelques uns qui essaient encore de bouger les lignes, mais pour combien qui sont passés de l'autre côté dans le même temps ?

"Parrainé par Carl's Junior." ©Idiocracy

Éclatement du narratif commun et communautarisation culturelle.

Il y a toujours eu des clans, des tribus. Particulièrement quand on est encore jeune, le besoin de s'intégrer à tel ou tel groupe participe à la construction de notre identité. On se cherche, que ce soit à travers notre look, la musique que l'on écoute, notre façon de parler, etc...

Mais l'exercice devient très périlleux dans un monde où toute tentative d'échapper aux étiquettes est instantanément marchandisée, à grands coups de "be yourself" (merci, mais je n'avais pas vraiment besoin de ta camelote pour découvrir que j'étais moi-même) , et de "venez comme vous êtes" (mais enfilez quand même un slip, et prenez une douche de temps en temps s'il-vous plait).

Bref, nous avons été réduits à une simple collection de "lifestyles".

Groupes de jeunes qui regardent leurs smartphones, tous identiques. Be yourself

Punk chic un jour, décontracté champètre le lendemain.

Et n'oubliez pas de bouffer de la marque et de payer juste pour le plaisir de vous transformer en publicité ambulante, en portant des fringues et accessoires avec des gros logos de marques bien visibles et ostentatoires. Nike, Adidas, Gucci, Lacoste et consorts... Ce sont eux qui devraient payer pour la pub qui leur est faite quand on porte leurs merdes ! Ho, j'oubliais : vous n'avez aucun poid médiatique. Pas assez de followers... Dommage pour vous.

Et le "real underground" me direz-vous ? Celui où naissent toutes les futures "tendances"...
Ben il reste underground, justement, et c'est bien tant mieux !

Toujours est-il que la multiplication des supports et des sources pour s'abreuver de culture, couplée aux algorytmes de filtrage basé sur nos profils utilisateurs, ont fait exploser le narratif culturel commun.

Chacune et chacun peut désormais choisir à volonté avec quoi alimenter son esprit. Ce faisant, toutes et tous se contruisent inconsciement une vision du réel qui passe par le prisme des fictions médiatiques.

Chacun se retrouve coincé dans sa bulle personnalisée.

Épuisement culturel.

Pour moi c'est assez visible depuis une vingtaine d'années : notre culture s'épuise, reflétant l'épuisement de notre civilisation entière.

De remake en reboot, nous revomissons sans fin des oeuvres dont nous ne saisissons même plus le propos initial. On reprend juste une vielle formule qu'on ré-habille avec les codes du moment.
Franchement, combien d'oeuvres sorties ces dernière années ont vraiment marqué durablement plusieurs générations et à travers plusieurs couches sociales ?

"Là y' rien qui me vient." Fight Club

"Mais c'est de la merde !"

Jean-Pierre Coffe

Oui, alors là on arrive sur un point un peu "touchy".

Nous avons tous nos goûts personnels.

Majoritairement, ces goûts ont été façonnés au fil de nos expériences, et ils s'ancrent dès l'enfance.
Nos rencontres et nos interactions sociales participent à les faire évoluer.

Quand on a de la chance, on croise des personnes qui vont nous faire découvrir des univers qui nous étaient totalement inconnus.

Je pense aux rencontres qui m'ont introduit au Death Metal et à la culture des chevelus, au graffiti, au hip hop, à la drum and bass, aux films gores, à la SF, et à tous les genres et styles culturels possibles et imaginables.

Grâce à ces personnes, j'ai pu atteindre cette étape où l'on est conscient qu'une parite de nos goûts nous échappent, mais que ça ne nous empêche pas d'être curieux, et de choisir ce qu'on "consomme".

Cette tendance à devenir plus sélectif s'intensifie souvent avec l'âge, quand le temps devient plus précieux que tout.

Non Netflix, non Amazon Prime, non Canal+, non Disney+, et non Crunchyroll, je n'ai ni l'argent, ni l'envie, et surtout ni le temps pour me tartiner vos vieilles séries toutes moisies à la pisse des bois, en 13 interminables saisons, et qui ne sont que des repompes édulcorées d'une autre série d'il y a 30 ans, elle-même inspirée de tel roman d'il y a 40 ans, etc... L'histoire de l'art, en gros. Personne (ou presque) ne créé quoi que ce soit "ex nihilo".

Par contre, ce qui est certain, c'est que vous écoutez quand vraiment de la merde ;)

OK, calmez-vous, ça va, je déconne.

Les goûts de merde, je trouve que c'est un bon signe de santé mentale, du moment où c'est conscient et assumé.

Bon, après, si vous me dites que votre truc c'est le zoo-pedo-satanisme nazi (c'est-à-dire si vous aimez les relations sexuelles avec des petits bébés animaux morts, dans le cadre de rituels avec pentacles, chaines et bougies, le tout habillé en uniforme du 3ème Reich)... Faut voir : Si ça s'inscrit dans une démarche RSE, ça peut passer en fait.

rue de Paris avec des écrans partout

Le cercle vicieux de la guerre cognitive.

Je me suis beaucoup égaré depuis le début de cet article, mais résumons :

Il y a donc une guerre cognitive qui nous frappe. Elle s'appuie à la fois sur nos faiblesses (biais cognitifs) et sur plusieurs systèmes qui ont aboutis à une saturation de l'information, jusqu'à permettre l'émergence de concepts tels que celui de la "post-vérité".

Le problème avec la guerre cognitive, c'est qu'elle repose sur des mécanismes qui génèrent de nombreux freins systémiques.

On parle de frein systémique quand un mode d'organisation particulier est devenu tellement intriqué à nos vies qu'il devient impossible de s'en extraire.

Par exemple, la finance mondiale, le système monétaire, le concept de "dettes des états", ou encore de "marchés financiers mondialisés", sont un bon exemple de systèmes devenus des abstractions totalement décorrélées du réel, mais qui dictent pourtant la marche du monde, sans qu'il paraisse possible de s'en extraire.

Ces systèmes ont la particularité de se nourrir d'eux-même. Il suffit juste d'un peu de jus pour amorcer la pompe au démarrage, mais ensuite, un tel système s'alimentera de lui-même.

L'exemple des systèmes économiques, à nouveau, illustre parfaitement cela. Dans ces systèmes, TOUT est transformé en produit financier, ce qui rend les choses facile quand on ne voit plus le monde que sous cet angle :

Trop de pollution à cause des activités industrielles ?

On créé un système de quota d'émissions de carbone, avec un marché permettant d'acheter ou vendre des quotas d'émission...

C'est un peu la même logique qui est à l'oeuvre dans le technosolutionnisme : plutôt que de chercher les causes d'un problème et prendre des décisions pour les éradiquer, on va plutôt s'en remettre à "l'innovation" pour mettre en place une couche supplémentaire censée palier le problème, mais qui en réalité ne fait qu'aggraver la situation.

La guerre cognitive reposant sur des systèmes qui se cannibalisent eux-mêmes, on comprend rapidement pourquoi il est très complexe d'en provoquer une désescalade.

Chaque publication, chaque commentaire, chaque interaction sur le web ou dans les médias ne va finalement que venir s'ajouter à une masse d'informations qui s'accroit de manière exponentielle, dans un environnement où ceux qui crient le plus forts l'emporteront toujours.

Saturés, les espaces de communications me font un peu penser à ces plages touristiques bondées en été. Non, merci, ça ira.

LUTTER CONTRE LA GUERRE COGNITIVE.

S'il y a bien une figure médiatique que beaucoup s'accorde à détester, c'est celle de la personne qui fait des constats, mais sans jamais proposer l'ombre d'une solution.

"La critique est aisée, mais l'art est difficile."

Voici donc quelques pistes pour essayer de sortir de l'impasse civilisationnelle qui nous pend au nez.

5 conseils pour lutter contre la guerre cognitive

1/ Pratiquer le Kung-Fu mental.

Enrichir son vocabulaire, valoriser la pensée construite et le temps long, rationnaliser les débats, sortir des réactions émotionnelles, s'écarter des postures et de la pensée préfabriquée, bannir les jugements de valeur binaires et manichéens, apprendre à identifier et se méfier de nos failles cognitives...

Le Kung-Fu mental, c'est essayer de s'équiper au mieux pour garder un cap dans la tempête actuelle.

https://www.kungfumental.org/

 2/ Prioriser l'éducation.

Les chiens ne font pas des chats, et c'est bien dommage.

Quand je vois le niveau de ravage intellectuel de nombreux adultes ayant des enfants, je me dis que les pauvres gosses sont mal barrés pour s'extirper des paradigmes imposés par leurs parents.

Je n'ai cependant aucun conseil à donner : élever des enfants est le challenge le plus extrème qui soit.

Bon courage avec ça !

Toutefois, il me semble que des enfants nourris avec de la lecture, de la musique, des jeux de société, puis plus tard par des films, animés, etc... choisis avec soin, auront plus de chance de devenir des adultes équilibrés, que s'ils sont livrés à eux-même dans la jungle culturelle modialisée, sans guide et sans repères.

3/ S'extraire des narratifs médiatiques.

Cette idée rejoint le titre de cet article. Et je le répète, il ne s'agit pas d'arrêter totalement de s'informer, mais d'arrêter de se laisser matraquer le cerveau par un flux d'information tel qu'il nous devient impossible de le traiter convenablement.

C'est ici que le concept de "Zeitgeist" est très utile :

Terme de la langue allemande, que l’on traduit souvent par « l’esprit du temps ».

« Le Zeitgeist constitue un système d’idées, d’images et de valeurs qui, déterminant une certaine ambiance intellectuelle, culturelle, fonde les pratiques, les comportements individuels et collectifs, et inspire les créations, jusqu’à celles qui sont considérées comme les plus personnelles. Il est atmosphère, air du temps, influençant styles et modes de vie individuels, et scandant la respiration sociale » (Philippe Robert-Demontrond).

À l'ère du tout numérique, de l'hyperconnexion et de la surinformation, cet "esprit du temps" est notamment rythmé par les médias.

Par exemple, au moment où je rédige ces lignes, le narratif commun est largement occupé par les JO de Paris 2024...

Un sujet d'ailleurs déjà abordé ici, si ça vous intéresse :

Jeux Olympiques 2024 : doctrine de l'auto-destruction festive

Accepter de se laisser entrainer dans ces narratifs médiatiques revient à mobiliser volontairement une partie de nos capacités cognitives, en les chargeant avec des contenus qui, à la base, nous sont peut-être totalement étrangers, ne nous concerne pas, et dont la connaissance ne nous apportera rien.

Attention, encore une fois, il n'est pas question de faire l'autruche et d'ignorer ce qui se passe autour de nous. Bien au contraire. Mais il s'agit de prendre de la distance et de questionner ce qui nous est donné à voir, tout en mesurant en premier lieu si ça en vaut la peine, en définissant une hiérarchie des informations.

4/ Ne JAMAIS adopter une attitude fataliste.

Le "c'est comme ça, on ne peut rien y changer" est sans doute le pire poison de nos sociétés.
Vous n'êtes pas obligé de vous lancer en politique ou de commettre un attentat pour faire vivre vos idées et votre vision du monde.

Mais ce qui est sûr, c'est qu'en vous déclarant "perdant" d'entrée de jeu, vous laissez la place à ceux dont les idées ne sont peut-être pas tout à fait les mêmes que les vôtres.

Après, faudra pas vous étonner du résultat...

5/ Provoquer la discussion, sans filtres.

Je dis "sans filtre", mais il est important de veiller à ne pas trop "secouer" mentalement votre interlocuteur. Néanmoins, quand vous vous retrouvez dans une situation où vous êtes témoin d'actes ou de propos que vous jugez intolérables, je propose deux options :

Vous êtes en forme et vous avez déjà en tête une argumentation rapide, compréhensible et adaptée pour interpeler la personne et poliment lui mettre le nez dans son propre caca.

ou :

Vous ne le sentez pas. Vous restez dans votre réserve, et c'est parfois judicieux si la personne en face est une brute sauvage. Mais vous en retirerez malgré tout une expérience qui devrait vous inciter à muscler votre capacité à faire front face à la connerie humaine en toutes circonstances.

COMING NEXT.

J'ai un projet très sérieux pour changer le visage de la France en 7 jours seulement. C'est biblique.

Donnez-moi le contrôle intégral des robinets informationnels :

On coupe tous les canaux étrangers sur la TNT sur lesquels on ne peut pas prendre la main.

On flood les réseaux sociaux.

On prend le contrôle sur toute la presse écrite, les stations de radio, les panneaux et affichages publicitaires, les systèmes de diffusion sonores dans les centres villes.

... Et on balance des playlists qui changeront tout en 7 jours. Garanti.

Laissez-moi créer un nouveau narratif commun unique, humaniste, rageux, pacifiste, inventif, qui redonne confiance, qui nous valorise toutes et tous, et ça pourrait bien fonctionner.

La culture mon gars.

Donc, voilà, c'est pas le tout de faire le mariole... Je planche sur une liste resserrée de contenus qui me paraissent incontournables pour élever un peu les consciences. Je vais peut-être sonder un peu les réseaux pour voir ce qui ressort...

Je vous donne donc rendez-vous dans un prochain article qui s'intitulera probablement "Ma playlist pour changer la France en 7 jours" ;)


NOTE ANNEXE :

Les plus observateurs auront noté que cet article est habillé avec beaucoup d'images générées par des solutions "text-to-image", bien que je reste toujours hostile à l'idée de "mettre de l'IA partout", et que je suis le premier à défendre la valeur d'une oeuvre originale face à un contenu "généré par IA".

J'ai donc partiellement vendu mon cul pour pouvoir faire aboutir cet article plus rapidement.

Le contenu rédactionnel, en revanche, a été intégralement produit sans aucun recours à des "assistants numériques" type ChatGPT. Qu'on se le dise. Après, c'est vous qui voyez hein ?



Auteur : ©Solynk - Nicolas-Thonney - 2024