Navigation rapide :
- Intro
- Graphiste : définition
- Les 4 familles de graphistes
- Un logo pourrave, des fois c'est bien.
- Suis-je un graphiste pro ? Le test !
- "Le fond et la forme"
- Qu'est-ce qu'un brief créatif ?
- Comment ne pas exploser en plein vol ?
- L'importance du cadre de travail
- Composer avec les clients
- Conclusion
Un topic massif qui vous dévoile TOUT ce que vous devez savoir sur ce métier : coulisses, techniques secrètes ancestrales, gestion des clients, gestion du stress, double esquive latérale suédoise, gestion du stress, lancer de clavier, gestion du stress, et plus encore...
Temps de lecture : Une lessive sur programme "Tous textiles 40° - charge 10 kg" // 30 minutes (c'est cadeau, c'est pour moi)
Niveau d'énervement : 9 sur l'échelle Trump-Godzilla
Disclaimer : Certaines situations inspirées du réel ont été modifiées afin de protéger les coupables.
Article intégralement rédigé par un être humain - sans recours à des IA.
Cela fait plusieurs fois que je démarre la rédaction d'un billet centré autour de mon métier. Un beau métier d'ailleurs que celui de graphiste / infographiste. Un métier dispensable, certes (1), mais qui reste riche en enseignements, et qui parvient encore à me procurer quelques rares moments de magie. Donc, cette fois-ci c'est la bonne, et je crois que cet article est enfin prêt à vivre sa vie sur le web...
(1) Le graphiste ne sauve pas des vies, et il n'empêche pas le réchauffement climatique (au contraire, il y contribue hélas beaucoup).
NOTE :
Pour des raisons pratiques, je vais fusionner dans la suite de cet article les mots "graphiste" et "infographiste" en le seul mot "graphiste". Si le métier reste artisanal et manuel dans certains de ses aspects, le passage par l'outil informatique est devenu incontournable - exception faite des intégristes des techniques traditionnelles, qui banissent l'ordinateur de leur processus créatif (bien souvent par simple méconnaissance de l'outil plutôt que par choix réfléchi et argumenté).
Un outil ne reste qu'un outil. Tout dépend des mains dans lesquelles il est employé, et à quelles fins il est employé.
Par ailleurs, toujours pour simplifier, je vais dire "le" graphiste, mais des graphistes femmes, il y en a aussi. Plus que d'hommes en fait.
En effet, pour la catégorie "Graphistes, dessinateurs, stylistes, décorateurs et créateurs de supports de communication visuelle", sur la période 2017-2019, la Dares indique que l'effectif des personnes travaillant dans ce secteur est constitué à 53% de femmes.
/// Insérer une blague mysogine ou un message féministe inspirant ici ///
"Graphiste" - définition :
Littéralement, le graphiste est une personne qui maîtrise la "graphie", c'est-à-dire la représentation écrite d'un mot ou d'une lettre.
Le graphiste serait donc avant tout une personne qualifée dans les domaines de la calligraphie, de la typographie, de la composition de textes, et de la mise-en-pages. C'est important de le rappeler car l'évocation du mot "graphiste" suscite plutôt généralement les réactions suivantes :
"_Un quoi ?"
"_Ah oui, vous dessinez des mangas, c'est ça ?"
"_Je vois. Vous travaillez dans la pub. Les affiches, tout ça..."
Là où ça se complique...
...c'est qu'il y a autant de définitions du métier de graphiste qu'il y a de graphistes.
En effet, la diversité des missions et des tâches qui peuvent être réalisées sous cet intitulé de "graphiste" est extrèmement large :
Le métier d'un graphiste spécialisé dans le print n'a rien à voir avec celui d'un graphiste en post production d'effets spéciaux. Le monde du graphiste webdesigner est différent de celui du graphiste illustrateur.
On pourrait encore citer les graphistes 3D, les graphistes coloristes, les graphistes étalonneurs, les graphistes designer d'interfaces, ou les graphistes qui font du motion design ou du compositing (je ne sais même pas ce que ça veut dire, c'est fantastique !)...
Le Graphisme, c'est vaste. À tel point que dans un monde qui nous sature d'images, vous êtes en permanence exposés au fruit du travail de graphistes !
- L'interface et la petite icône du réveil sur votre smartphone ? C'est un graphiste (UI designer).
- Les polices de caractères de tous les textes imprmés ? C'est un graphiste (font designer).
- La photo retouchée rigolote et bien foutue en miniature sur les vidéos en tendances Youtube ? C'est un graphiste (Compositing).
- Les couleurs, le logo, et le petit jeu ou la petite BD pas drôle au dos de ta boite de céréales préférées ? Allez, devine ? Oui ! Un graphiste !
- Le tableau de bord de ta voiture "full numérique" ? Idem.
- Les pubs, les clips, les génériques, les trucages, les effets spéciaux, les affiches aux abris de bus... Tes préservatifs, ta crème hydratante favorite, et tous les derniers les derniers trucs "tendance" ? Encore et toujours, c'est des graphistes (pas fiers, pour le coup).
Vous l'aurez compris, les petites mains invisibles de l'industrie des "arts graphiques" sont partout.
Tapis dans d'obscures bureaux, les grahistes/infographistes oeuvrent chaque jour à créer "l'habillage visuel" du Monde moderne. Regroupés au sein d'un cercle des enfers qui leur est dédié, les satanographistes servent les noirs desseins du Libre Marché. Leurs esprits profanateurs sculptent les contours d'une nouvelle terre promise, accessible à toutes et tous, pas cher, en promo, 3 pour le prix de 2.
Bon, accessoirement, des fois aussi, "graphiste", c'est juste dessiner des bites pour rigoler. On ne se refait pas. Artiste, oui, esthète, assurément, mais gros débilos avant tout.
Une définition du métier de graphiste / Universal edition :
En substance, le graphiste est une personne en charge de conceptualiser, réaliser et mener partiellement ou de A à Z tout projet de communication reposant principalement sur des signes visuels, et ce, sur tous supports confondus.
Voilà, merci, vous pouvez rentrer chez vous, c'est fini ;)
Resserrons un peu cette définition en établissant une liste des grandes familles du métier et des missions qui y sont associées, pour essayer d'y voir plus clair. C'est tellement "convenient" les listes.
Les 4 familles de graphistes.
Ou une tentative de classification totalement arbitraire et biaisée.
1/ Le graphiste "pur jus" / High-end :
Il peut faire de la conception de logotypes, d'illustrations (couvertures de magazines, de livres...), de polices de caractères ("la typo")... Personne ayant une très bonne culture générale et artistique.
Le graphiste pur jus a également un très gros skill, et il a beaucoup travaillé pour perfectionner son art. Il travaille dans de grandes agences de communication, ou en interne pour des grandes marques et des institutions. Il peut également être à son propre compte, en freelance, ou dans sa propre agence.
Le graphiste "pur jus" maîtrise les techniques traditionnelles et académiques (dessin, etc...), et les notions théoriques qui s'y rapportent. Il reste cependant à l'affut des évolutions de son métier (quand il n'y participe pas directement).
Ses qualités : capable de naviguer avec des clients CSP++
2/ Le graphiste "spécialisé" / Artisan expert :
C'est le graphiste qui a choisi une branche ultra-spécifique, comme par exemple, la personne dont le métier est d'imaginer, de dessiner, et de concevoir techniquement les vitrines décorées pour une grande enseigne parisienne, ou encore, la personne à qui on fait appel pour créer le motif d'un tissu pour de la haute couture...
Le graphiste spécialisé oeuvre souvent dans des domaines tellement spécifiques que seuls de gros clients peuvent s'offrir ses services : monde de la mode et du luxe, du cinéma, du jeu vidéo, du high-tech, les marques multinationales, voire même des États... Le graphiste spécialisé s'est généralement fait une renommée soit par son expertise sur un domaine très "exotique", soit en ayant réussi à se démarquer par son style fort et unique (ou les deux à la fois, ce qui est très énervant).
Ses qualités : il est bon.
3/ Le graphiste "Monoprix" / Faut bien manger, la vie est dure :
Je précise qu'il n'y a aucune malveillance dans cet intitulé. J'ai moi-même fais mes armes dans le domaine du dépliant publicitaire pour des grandes surfaces / grandes enseignes, ou le graphisme "visual fast-food". Tout est dit non ? Le graphiste "Monoprix" fait essentiellement de la mise-en-pages. Le détourage et la retouche photos peuvent également faire partie de son travail, ainsi que la conception de "créa'" pour les couvertures et "pages d'ambiance" de dépliants ou catalogues.
Il devra également être capable de traiter directement avec les clients pour apporter des corrections aux documents, ou compléter des textes. Il peut aussi travailler dans le domaine de la signalétique, du packaging (mais ça c'est rigolo si tu t'amuses à cacher des petits dessins dans des visuels pour des emballages produits).
Dans le "fast-graphisme", on est sur de la cuisine d'assemblage, où on va piocher des ressources, retravailler un peu le tout, et on enchaine. Ne vous méprenez pas, il ne s'agit pas non plus de "voler" le client. Mais le graphiste "Monoprix" est soumis à des délais très courts qui ne laissent pas le loisir de créer les choses à partir de zéro.
Ses qualités : rapide, efficace, technique, conscienscieux et organisé. Il doit également être capable de ne pas s'investir émotionnellement dans le travail qu'il produit, et de conserver son enthousiasme créatif pour l'exprimer dans un cadre extérieur.
4/ Le graphiste "all around" / Tout terrain :
c'est LE profil merdique, car il recoupe TROP de réalités différentes pour être défini simplement. Toutefois, ce qui caractérise le graphiste "all around" c'est sa grande polyvalence. Capable de créer un logo, la charte graphique et la maquette d'un magazine, puis de le mettre en pages, de concevoir un sticker pour habiller un véhicule, de faire des illustrations, des schémas, des plans, de faire des retouches photos...
Ajoutez à cela la vidéo, le web et le design en général, et vous avez bon.
Ses qualités : Adaptabilité, veille technique, vision globale des métiers de la création visuelle. Collaboratif.
Je rentre dans cette catégorie : le graphisme 2D, le webdesign et le motion design constituent mes piliers fondamentaux, mais j'ai développé en parallèle des bases plus ou moins solides en photo, production audio, montage vidéo, 3D, etc...
Cette versatilité me permet de pouvoir répondre à certains besoins ponctuels sans avoir à faire appel à des compétences externes, ce qui est toujours apprécié par mes employeurs ;)
Le piège de la polyvalence.
Cette question de la versatilité des graphistes amène sur un problème qui est d'ailleurs commun à beaucoup de corps de métiers :
Si avoir soif d'élargir ses compétences est une bonne chose, parfois en revanche, à force de vouloir tout faire (et tout seul), on en arrive finalement à ne rien vraiment savoir faire.
C'est pourquoi il est important pour un graphiste de savoir où il en est dans chaque domaine de compétences.
Si je vois par exemple arriver un projet qui va nécessiter de grosses compétences en développement web, je serai certes capable de concevoir un cahier des charges technique, mais je demanderai à ce qu'on fasse appel à un web-developpeur pour réaliser ensuite cette partie du projet. Ce n'est pas mon job. Et si c'est une bonne chose de posséder le bagage minimum pour en comprendre les problématiques et enjeux spécifiques, je n'aurai jamais la prétention d'avoir une expertise en la matière. D'ailleurs, même pour les domaines dans lesquels je suis à l'aise, j'ai bien conscience de tout le spectre de techniques et concepts que je ne maîtrise encore pas du tout. Le chemin est long et sans fin...
Un graphiste qui est un peu trop facilement satisfait de la qualité de son travail, moi je trouve ça suspect.
Ce qui me fait penser qu'à l'opposé, j'ai oublié de mentionner...
Le graphiste qui fait "comme Rocky dans sa réserve" : il s'en bat les steaks !
#LesVraisSavent
Oui, bon, là on est ailleurs. Parce que si le graphiste cité précédemment, vous savez, celui aux goûts douteux mais toujours très fier de ses "créations", qu'il publiera immédiatement dans son book, sur Linkedin, sur Insta... est déjà phénoménal, le graphiste qui s'en fout totalement, lui, est sur une autre planète. Hors concours.
Réussir à se désengager totalement de l'aspect "satisfaction intellectuelle et créative" qui va de paire avec le métier de graphiste, pour éxécuter sans pitié et au kilomètre les pires trucs possibles sans sourciller, ça relève du génie, ou au moins d'un niveau d'abnégation hors du commun.
#FautBienManger
Des fois, un logo tout pourrave, c'est bien aussi.
Je vois très souvent passer dans les rues des véhicules professionnels avec des flocages (= habillage avec des stickers découpés - on parle aussi de "covering") tellement ignobles qu'au final, eh bien ils marquent les esprits !
La branche professionnelles des artisans est d'ailleurs assez balèze dans cette discipline. À tel point qu'on pourrait se demander s'il ne s'agit pas en réalité d'une forme de compétition occulte, dont seuls les initiés seraient à même de percevoir toute la portée cosmique...
Bon après, il faut se mettre un peu à la place des gars : ils n'ont pas forcément des milliers d'Euros à balancer dans la conception d'un logo sur-mesure, alors autant le faire soi-même.
Et c'est très bien ainsi.
"On est tous un peu graphiste."
Parce qu'avec la démocratisation des outils numériques, TOUT LE MONDE EST UN PEU DEVENU GRAPHISTE. La preuve :
"_Je me sers de Photoshop. Je suis graphiste."
Ou ses nouvelles variantes :
"_J'ai fait un visuel sur Canva. Je suis graphiste."
"_J'ai fait une illustration surMidJourney."
S'il est intéressant de constater que les outils numériques ont aidé à redonner le goût de l'expérimentation artistique, il est toutefois nécessaire de distinguer la pratique du graphisme comme un loisir, et la pratique du graphisme comme une activité professionnelle rémunérée.
En savoir plus : lire l'article dédié aux IA / Section "Tous artistes"
Suis-je un graphiste pro ? Le test !
Alors en fait, c'est simple :
- Si vous n'avez AUCUNE curiosité pour la création en générale, qu'il s'agisse des arts classiques, de cinéma, de photo, de BD, de jeux vidéos, ou encore de musique...
- Si vous êtes incapable de matérialiser (même maladroitement) une idée, un concept avec un simple crayon et une feuille de papier...
- Si vous n'avez pas la moindre idée de la distinction entre la teinte, la saturation et la luminosité d'une couleur (sauf si vous êtes "visuellement challengé", vous êtes pardonnés. Les artistes daltoniens,aveugles, etc, ça existe.)...
- Si des notions telles que "la composition", "l'ergonomie", ou encore "la hiérarchie des informations" vous sont totalement étrangères...
Réponse :
... Abandonnez tout de suite le projet de faire une carrière de graphiste.
Et si vous êtes un ou une graphiste actuellement en poste, et que vous êtes concerné par un des points cités ci-dessus, alors il est temps de vous remettre professionnellement en question.
Comme pour tout métier artisanal où les techniques sont nombreuses et en constante évolution, le métier de graphiste est un apprentissage permanent. Et un bon artisan ne sera jamais totalement satisfait de son travail. Il cherchera toujours à s'améliorer et à progresser.
Se reposer sur ses acquis, c'est l'assurance de lentement décliner jusqu'à disparaître.
"Le fond et la forme."
Voici une maxime qui évoque peut-être chez certains de lointains souvenirs traumatiques de cours d'arts plastiques ou de philosophie.
C'est pourtant l'essence même de tout métier créatif.
Le mieux reste encore d'utiliser une métaphore bien toute naze pour bien comprendre la puissance de ce concept :
Imaginons que vous êtes vendeur chez un concessionnaire qui propose tout type de véhicules : voitures, motos, camions, engins de chantiers, chars d'assaut...
Un client entre dans la concession :
"_Bonjour, je participe à un rally dans le désert, et je recherche un véhicule qui me permettra de déccrocher une place sur le podium. Il me faut un véhicule qui roule très vite. Je voudrais donc une Formule 1 s'il-vous-plait."
Vous répondriez alors surement quelque chose comme :
"_Monsieur, je pense qu'une Formule 1 n'est pas très adaptée au désert, je vous conseille plutôt un buggy, sauf si vous voulez finir ensablé dès les cinq premiers mètres de course."
C'est la même chose quand on est graphiste en agence de communication. Les clients viennent vous voir avec pleins d'idées en tête, mais souvent, ces idées sont très arrêtées et pas forcément adaptées à leurs besoins. À noter que tout n'est pas toujours à jeter non plus. Certaines remarques des clients sont parfois tout à fait valides et viennent réellement améliorer la qualité finale du projet.
Néanmoins, donc, qu'est-ce que réprésente "le fonds et la forme" dans le métier de graphiste ?
Résumons plutôt ça ainsi : au final, qu'est-ce que c'est que "communiquer" ?
Communiquer c'est d'abord être capable de définir clairement :
1/ Qu'est-ce que je veux dire ?
2/ À qui je veux le dire ?
3/ Pourquoi je veux le dire ?
Et c'est seulement une fois que les 3 points ci-dessus ont été établis que je décide :
4/ Comment je vais le dire ?
Parce que vraiment, sans ça, tu ne vas nul part. Et ça vaut pour tous les domaines de la création.
En l'absence d'une ligne directrice forte pour nourrir un projet, le résultat final sera toujours bancal.
Les briefs fantômes et les clients "qui savent mieux que toi".
Ou l'art de sauver les meubles.
Le "brief", diminutif du mot "briefing", est l'ensemble des informations qu'un client va fournir au graphiste pour lui permettre d'éxécuter un projet.
Exemple d'un brief standard :
"J'ai besoin d'une affiche pour une campagne au niveau local afin de promouvoir le marathon de la ville.
Il faudra y mentionner qu'une collecte de dons sera organisée au profit d'une association caritative.
Il faudra aussi créer une identité visuelle qui évoque le running, le bien-être par le sport, la solidarité. Vous travaillerez autour de l'intitulé "Marathon de Superville-sur-Yvettes" pour proposer un logotype qui sera utilisé sur d'autres supports.
Pas de couleurs trop agressives, mais ça peut être tonique et contrasté.
Pour l'affiche, il faudra aussi y faire figurer les logos des partenaires, environ une dizaine, dont nous vous donnerons la liste. En revanche nous ne disposons pas des logos, il faudra donc les collecter par vos propres moyens.
Nous vous fournirons toutes les informations pratiques à indiquer : date et horaires, lieu, modalités d'inscription, lien vers le site web, facilités d'accès...
L'affiche est au format A0, mais des déclinaisons sur 3 formats différents seront à réaliser pour publication dans la presse. Nous vous fournirons les consignes techniques nécessaires."
Voilà, ça c'est un bon brief.
Enfin, plus ou moins, parce que là, par exemple, j'appuierais sur pause au moment où le client mentionne qu'il faudra "proposer un logotype qui sera utilisé sur d'autres supports".
"_Oui, mais... Hum ! (le graphiste se racle la gorge) Enfin, vous comprenez que la conception d'un logotype pour représenter l'événement implique une quantité de travail et une réflexion qui en font un autre projet à part entière ?"
Au besoin, je ferais un déroulé rapide des enjeux et étapes de travail nécessaires pour répondre convenablement à cette demande en particulier, et en principe, le client comprendra, et le brief sera resserré ou la partie "créa d'un logo" fera l'objet d'un autre projet.
Et à partir de là, le job va simplement consister à en savoir un peu plus, par exemple :
"_Depuis combien d'années se tient ce marathon ? Faut-il indiquer un numéro d'édition, genre "23ème marathon...".
Avec un peu de bon sens, et une checklist mentale bien préparée, ça devrait aller...
Travail d'équipe.
Un graphiste travaille rarement seul. Généralement, il collabore avec un ou plusieurs commerciaux, avec qui il va rencontrer les clients.
Le commercial sera notamment présent pour conseiller le client sur la partie budget, délais, et autres contraintes à prendre en compte dans le cadre du projet.
Il fera également office de "pare-feu"pour le graphiste et sera là pour tempérer les choses si la relation avec le client dégénère (c'est rare, mais ça peut arriver).
Oui, donc, le brief....
Mais revenons en au brief. Partant du principe tout à fait compréhensible qu'il est toujours difficile de parler de soi, et que tout le monde n'est pas expert en communication, le graphiste et le commercial vont tout naturellement aider le client à définir ses besoins, pour arriver à établir quel devra être le message principal à véhiculer à travers le projet, et quelles sont les formes les plus adaptées pour ça.
"Qui êtes-vous ?", "Qu'est-ce qui fait votre spécificité ?", "Et les chiens ? Vous aimez les chiens ?", etc...
Quand ça se passe bien :
Pour un graphiste, le client ouvert, c'est la situation idéale. Un échange constructif va se faire avec lui, pour arriver à établir les contours du projet, de façon à lui donner la meilleure direction possible, et permettre d'atteindre les objectifs.
Dans ce cas-là, le client va accorder sa confiance et s'en remettre à l'expertise du graphiste.
C'est parfois compliqué, car il va falloir soutirer des informations au client, et faire un peu de pédagogie pour expliquer pourquoi tel choix est plus pertinent qu'un autre, etc. mais ça reste très agréable de travailler dans de telles conditions.
Quand ça passe moins bien :
À contrario, l'enfer du graphiste, c'est le client qui sait tout, et qui arrive avec un brief qui, dans sa tête, "fait déjà 90% du travail pour le graphiste".
Sauf que non, désolé client, mais ton brief, c'est de la merde en barres : informations lacunaires, concept créatif tellement plan-plan que même mon arrière grand-mère trouverait ça ringuard et ennuyeux, ou encore éléments fournis qui sont de qualité très médiocre.
Tiens, d'ailleurs, puisqu'on en parle...
Liste non-exhaustive des ressources graphiques bien pourries qui sont le plus fréquemment fournies à un graphiste :
Le logo pas top.
C'est souvent le logotype que le client a conçu lui-même, et qui est tellement "piquant pour les yeux" que c'en est presque de l'Art à part entière. Mais attention : hors de question d'y apporter quelque retouche cosmétique que ce soit, non, la consigne est de l'utiliser tel quel. Mais le client ne possèdant qu'un pauvre JPEG en résolution timbre Poste, le graphiste va devoir se tanner le cul à totalement redessiner ce logo en vectoriel ou en HD pour éviter de se retrouver avec une tâche floue et pixelisée une fois le logo imprimé sur une affiche 4x3. Quoi de plus épanouissant que de passer deux heures à reproduire un logo moche, dont vous entrevoyé pourtant 1000 façons de le rendre plus attrayant, à peu de frais, tout en conservant son identité...
Les photos cracra.
Les photos mal cadrées et mal exposées, qui vont demander des trésors de savoir-faire en retouche colorimétrique, en reconstruction d'image, et en image enhancement (upscaler, redonner du piqué tout en supprimant le bruit et les artefacts de compression, etc...).
"_Vous pourriez-supprimer la cravate du monsieur au premier plan ? Ou sinon, la faire en bleu Klein parce que là en jaune, c'est pas du tout nos couleurs. Et il faudrait aussi supprimer la dame qui ne sourit pas trop, derrière à droite (sauf si vous pouvez la retoucher pour qu'elle souri).
_Bien sûr ! Est-ce que vous souhaitez également que j'ajoute des explosions en arrière-plan et des motos qui font des weehling pour donner un côté jeune et dynamique à l'image ?"
#SexyEtImpactant
Les éléments graphiques ignobles.
Les diagrammes, pictogrammes, icônes et autres ressources faites avec les couleurs les plus criardes et dissonantes possibles, au point que que ça transperce à l'arrière de ton écran et que ça fait un trou dans le mur en face... Tous ces éléments qu'il faudra entièrement refaire pour qu'ils soient visuellement en harmonie avec le reste (et regardables sans perdre directos 1/10ème à chaque oeil...).
Comment aborder un brief mal cadré ?
Dans le cas où le brief est foireux, notre job en tant que graphiste est parfois d'éviter au client de se tirer une balle dans le pied.
On va ainsi lui expliquer très poliment par A+B pourquoi son projet, tel qu'il l'envisage, risque au mieux de ne pas fonctionner, au pire, de carrément nuire à son image et de le désservir.
"_Pour l'enseigne extérieure, je veux du rouge, pour que ça se voit bien.
_Certes, mais pour une clinique néo-natale, rouge c'est un peu hard quand même, non ?
_Rouge."
Des fois, il n'y a rien à faire : le client a certaines exigences sur lesquelles il est intransigeant, et il faudra donc composer avec.
C'est ici que la magie opère.
Je suis un graphiste moyen, qui n'a pas vraiment un "coup de patte" extraordinaire. Mais donnez-moi n'importe quel brief pourri, couplé à un client ultra-borné, et je vous sortirai TOUJOURS un résultat qui donnera une image professionnelle et sera adapté à la cible du client (ce qui lui apportera finalement satisfaction).
Certes, bien souvent, ce ne sera pas mémorable, et ce n'est pas le genre de boulots que je mettrai en avant dans mon book, par exemple. Disons que "ça fait le taf, sans plus."
Ceci dit, des fois, on peut arriver à des choses vraiment pas dégueulasses, même dans des conditions défavorables.
Le clash avec le client aura même parfois contribué d'une certaine manière à "repousser les limites" pour trouver la meilleure façon de traduire ses idées bien arrêtées, tout en y apportant une touche personnelle qui aura réussi à donner une dimension supplémentaire au projet final.
Le client pourra même parfois remercier le graphiste... Mais parfois aussi il pourra un peu tirer la couverture à lui auquel cas, il conviendra alors pour le graphiste de savoir s'effacer et accepter en silence cette légère distortion de la réalité.
"C'est le jeu."
Ce qu'il faut retenir c'est que, sans aller jusqu'au conflit avec le client, un graphiste qui aime un tant soit peu son métier n'hésitera pas à monter un peu au front quand cela pourra améliorer le projet.
Plus royaliste que le Roi ?
Ce système consistant à s'investir consciencieusement dans le job trouvera tout de même une limite si vous voulez perdurer et ne pas faire un burn-out au bout de 2 jours.
Vous ne pouvez pas sans arrêt vous battre contre les clients et contre votre hiérarchie.
Si c'est le cas, envisagez sérieusement une porte de sortie pour ne finir à la Une des faits-divers :
Excédé par un client qui lui demandait d'utiliser la couleur rouge, un graphiste a tenté de se faire exploser dans les locaux de l'entreprise.
Fort heureusement, sa ceinture d'explosifs était constituée de knackis Herta, limitant les dégâts à quelques miettes de pain une fois les saucisses mangées.
Ses collègues restent toutefois très choqués par l'incident :
"_Ça nous a beaucoup surpris. Les jours précédents, Jean-Louis était comme d'habitude. Il arrivait le matin, buvait ses 5 expressos, avalait ses 3 Lexomils, et se mettait à son poste en écoutant de l'electro-indus-death-metal necro-zoophile-sataniste. C'est quand il a commencé à écouter en boucle la danse du sombrero qu'on aurait dû s'inquiéter, mais on n'a rien vu venir."
The right balance, plage !
(Le bon équilibre, beach !)
En tant que graphiste, il faut savoir trouver un juste équilibre.
Après tout, vous, graphiste, êtes là pour permettre à votre employeur de générer des bénéfices, qui permettront notamment de payer votre salaire (et parfois aussi, les nouvelles jantes du Porche Cayenne dudit employeur).
J'ai ainsi développé une certaine philosophie avec les années qui passent :
Si le client est content, malgré un résultat à la limite du présentable, ainsi soit-il.
Au final, je ne serai ni payé plus ni payé moins, donc inutile de me faire un ulcère à lutter contre le vent, qui plus est au risque de froisser les clients.
Le cadre de travail.
Seigneur Jésus Marine Lepen ! J'allais oublier de parler de cet aspect du métier qui est carrément primordial. Ouf ! On est sauvé. Alain Ackbar !
//// Oui, j'ai des problèmes d'humour pourri. Le fameux 3000ème degré. ////
Pour ma part, voici les différents cadres de travail dans lesquels j'ai été amené à travailler (parfois de trop nombreux mois avant de dire "STOP") :
Le plateau en open-space.
Je HAIS les open-spaces, et à juste titre, puisqu'il existe aujourd'hui pléthore d'études qui en démontrent tous les effets néfastes. L'open-space, c'est réduire les coûts, et mettre les employés sous pression constante, dans une ambiance à mi-chemin entre la cours d'école et le régime chinois avec son système de "crédit social".
Le bureau aveugle de 20m2, à 3 personnes.
Ben c'était pas si mal en fait, notamment parce que les personnes avec qui je partageais l'espace de travail, et l'ensemble des équipes en général, étaient relativement faciles à vivre et posées. Si si, ça existe !
Mais bien entendu, ça aurait tout autant pu être un enfer, et vous me voyez venir, car en fait, comme dans n'importe quel boulot :
C'est le facteur humain qui va faire toute la différence.
Il suffit d'un collègue toxique ou d'un patron tyranique pour que chaque jour de travail soit vécu comme une véritable agression psycho-sociale. Ou la fameuse boule au ventre.
Mais bon, revenons-en à cette liste "environnements de travail".
Le mini open space aveugle, avec 4 personnes, dans une Zone d'Activité Industrielle glauque et tellement mal désservie que tu es obligé de te bouffer matin et soir une autoroute surchargée par le flot de travailleurs frontaliers.
Avec les co-gérants qui s'engueulent ouvertement devant les clients, et qui cloppent comme des tarés dans des bureaux sans fenêtres et non-ventilés.
Un chien laché en freestyle dans les locaux, qui fait régulièrement ses besoins dans les locaux, sans qu'apparamment ça ne gène personne.
Des salaires versés trèèès en retard.
Une ambiance délétère.
Ou encore des changements dans les missions liées au poste :
"_Bon écoute Dudule, on n'a pas trop de boulot en ce moment alors tu vas venir aider les gars à poser le carrelage en marbre de ma nouvelle piscine.
_Heu, mais Monsieur, c'est marqué "graphiste" sur mon contrat de travail...
_T'inquiète pas Dudule, on dira rien à personne.Et puis tu la veux ta barette de mémoire supplémentaire sur ton poste ou pas ? Bon, alors arrête de nous casser les couilles et fais ce qu'on te dit."
Bref, le paradis.
Le bureau dédié.
Bureau lumineux, suffisament chauffé en hiver, ventilable, avec mise à disposition d'une cuisine équipée et de 2 sanitaires. Plantes vertes. Le tout sur 2 étages au calme.
Un jardin derrière les locaux, pour respirer pendant les pauses.
Diverses possibilités d'accès, et des facilités pour stationner à proximité si besoin.
Le ménage assuré toutes les semaines par un prestataire externe très pro.
Un matériel de travail adéquat et adapté si besoin.
Un management intelligent.
Des collègues civilisés et bienveillants.
Des clients casses-couilles (mais ça c'est normal, c'est une constante physique).
Les clients sont-ils si terribles que ça ?
Parce que bon, ça commence à faire beaucoup de sucre cassé sur le dos des clients, et je ne voudrais pas laisser l'image du mec qui crache dans la soupe et qui mord la main qui le nourri (OK, juste un doigt alors).
Les interlocuteurs du graphiste peuvent être des commerciaux, des chargés de communication, ou encore des entrepreneurs, des gérants d'entreprise... Ils peuvent parfois avoir un total pouvoir de décision, mais bien souvent, ils sont tenus de rendre des comptes à une hiérarchie.
Les clients doivent donc parfois eux aussi composer avec, par exemple, un patron très versatil, ou encore, des consignes contradictoires émanant de plusieurs sources.
Pas toujours facile. #Empathie
Par ailleurs, et quel que soit le client, ce dernier n'a également aucune idée de ce qui constitue le métier de graphiste, ce qui ne l'aide donc pas à formuler des demandes intelligibles, cadrées, et qui seront réalisables dans les limite du budget alloué au projet.
Est-ce que moi j'ai vraiment idée de l'ensemble du boulot que représente le métier, disons... d'assistant de direction ? Non. Au mieux j'imagine vaguement. Bon, par contre j'ai une idée du salaire, et ce n'est pas celui du graphiste médian.
Et puis enfin, des fois aussi, les clients sont juste vraiment mauvais, sans qu'il y ait trop besoin de les pousser. Des personnes donnant toutes les apparences d'être ancrées dans la réalité, et disposant par ailleurs de réelles compétences, mais qui ont fini par devenir complètement hors-sol, la faute à des années de travail dans une routine finalement assez douillette, tant et si bien qu'elles sont devenues perméables au moindre effort (et je ne vous parle pas de la cohorte de biais cognitifs à l'oeuvre chez ce profil de personnes).
En savoir plus sur les biais cognitifs : kungfumental.org
NOTE : En bon graphiste misanthrope que je suis, de toutes façons, dans MON référentiel, à peu près tout le monde est d'une médiocrité relativement affligeante (et moi le premier).
Pour conclure sur ce volet qui commence à ressembler à une chronique sur les ressources humaines, l'idée à retenir est que chacun de nous possède des qualités et des faiblesses.
Il convient donc de toujours essayer de rester cordial, compréhensif, et bienveillant, même si cela demande parfois de prendre sur soi.
#Professionnel
Cadences, rythme de travail, et autres joyeusetés...
Meeerde... Mais c'est par ça que j'aurais dû démarrer l'article en fait !
Parce qu'être graphiste, c'est un peu speed en général.
Ce "Monde qui s'accélère", le graphiste ne le connaît que trop bien. Alors je pourrais détailler tout ça, mais au rythme où vont les choses, toi qui, peut-être, du haut de ta fraiche vingtaine d'années, lit ces lignes, sache que c'est déjà foutu pour toi (2). Donc, rien ne sert de paniquer outre mesure sur ta future carrière dans le monde merveilleux de la création visuelle.
Néanmoins, un article dédié à des aspects plus concrèts, notamment concernant la façon de s'organiser dans son travail, et d'ores-et-déjà en préparation. À suivre.
(2) Mais non, allez, c'est pas vraiement foutu, faut s'accrocher les enfants. Le turfu : c'est vous !
Le mot de la fin.
Bon, ben on a pas mal fait le tour je crois.
Ça fait un peu long, mais il y a surement une ou deux choses à en retirer, pas vrai ?
Pas vrai ?
* Part se rouler en boule catatonique*
À noter que je n'ai pas abordé ici la question des boulversements que connaît actuellement le métier (avec notamment la démocratisation des logiciels basés sur des IA), cela ayant déjà fait l'objet d'un article dont je ne saurais que vous recommander la lecture.
La conclusion /// Mode "neutre" activé ///
Le métier de graphiste s'inscrit dans la grande famille des métiers dits "de la création".
Comme pour tous les métiers-passions, s'il amène souvent de grandes satisfactions professionnelles, il s'accompagne toutefois également de contraintes spécifiques pas toujours très rigolotes.
Des bisous, l'amour <3
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Auteur : ©Solynk - Nicolas-Thonney - 2023